La Pluie et le beau teint

Derrière la lucarne, une femme est assise, blonde peroxydée, cheveux courts, visage blafard et replet. Ses pommettes sont comme perchées sur des échasses de chair, tirées à quatre épingles.

C’est bizarre car je connais le nom de cette présentatrice météo. Mais le visage qui y est associé m’est inconnu. Ces traits tirés, cette peau de bébé, trop blanche, trop lisse, trop pleine ne correspondent pas à ce nom ; associé dans mes souvenirs à celui d’une autre femme. Une femme debout, au corps svelte, au visage expressif, coiffé d’une frange et de cheveux longs couleur miel.

Dieu que le temps passe vite. Cela fait donc si longtemps que je n’avais pas regardé la météo de ce journal du soir ? Manifestement, des années de pluie et de beau temps avaient fatalement déteints sur ce visage de femme public. Elle a du lutter contre vents et marées avant de céder aux sirènes du bistouri médiatiquement correct. La femme debout qui affichait des robes près du corps est donc devenue par la force des choses ou plutôt par le poids des kilos en trop, une femme tronc.

La silhouette arrondie est dissimulée. Mais le visage, victime du devoir d’éternelle jeunesse, livre devant les yeux du téléspectateur, une bataille perdue d’avance. Celle imposée par le petit écran, ce miroir aux alouettes qui considère la beauté et le jeunisme comme la norme quotidienne.

Peu importe le temps qui passe, il faut continuer à donner la pluie et le beau temps ; avec le beau teint…